
Gabriel Boric, candidat de la coalition de gauche «Apruebo Dignidad». MARTIN BERNETTI / AFP
Montée de l'extrême droite au Chili
Élu face au candidat d’extrême-droite José Antonio Kast, Gabriel Boric a connu une première année de mandat compliquée. Deux événements ont marqué l’opinion. Le premier est le refus net de la proposition de nouvelle constitution. Suite aux émeutes de 2019, un référendum avait été organisé pour changer la constitution héritée de Pinochet, instituant une économie ultra-libérale.

Ecrit par Gaspard Agostini,
Relu par Rachel Ducept.
Publié le 14 avril 2023.
Un pays progressiste
De nombreuses mesures phares du programme de Boric, comme le fait que l’eau devienne un bien public, se basaient sur le vote d’une nouvelle constitution, qui aurait fait du Chili l’un des pays les plus progressistes du monde. Mais quelques points de désaccord, comme la légalisation de l’avortement, de nouveaux droits donnés aux peuples indigènes, ou encore la possibilité pour le président d’effectuer deux mandats successifs, ont incité les Chiliens à refuser cette nouvelle constitution, bien appuyés il est vrai par la majorité des médias conservateurs du pays, aux mains d’une poignée de milliardaires. Le processus de réécriture d’une nouvelle constitution a été relancé par la suite.
Ce rejet massif a conduit par la suite à un remaniement ministériel, confirmant le virage de Boric, originaire d’une gauche plutôt radicale, vers le centre-gauche, avec la nomination à plusieurs postes clés du gouvernement de plusieurs ex-ministres sous Michelle Bachelet, plus expérimentés.
Boric dans la tourmante
Mais ces deux échecs importants n’ont pas empêché plusieurs réussites politiques durant cette première année au pouvoir pour Gabriel Boric. Parmi elles, la mise en place d’un plan de relance important afin d’aider les petites et moyennes entreprises touchées par la pandémie.
Les résultats économiques sont également positifs pour Boric, avec pour la première fois depuis des décennies au Chili un excédent budgétaire pour l’exercice fiscal 2022. La croissance a été favorisée par l’augmentation des prix du cuivre et du lithium, dont le Chili est un des principaux producteurs. Mais également par la politique de relance de Boric, avec des mesures fortes comme l’augmentation du salaire minimum, la plus forte depuis 29 ans, qui est passé à 400.000 pesos (500 dollars).
Cette hausse a bénéficié immédiatement à 800.000 travailleurs.
Une réforme importante du système de santé a été effectuée par la coalition de gauche, avec la gratuité pour plus de 15 millions de personnes du système de santé public, ainsi qu’une augmentation des parts de remboursement sur plus de 6,900 médicaments, contre 2,700 auparavant.
Plusieurs réformes de moindre ampleur ont été réalisées, comme la loi garantissant l’inclusion sociale et la protection des enfants autistes.
Coalitions difficiles à accommoder
Le président de 37 ans devra faire face à plusieurs défis, dont certains arrivent rapidement : le 7 mai aura lieu l’élection de nouveaux conseillers pour l’écriture d’un nouveau projet de constitution.
Boric espère pouvoir réduire également la durée hebdomadaire de travail, qui passerait alors de 45h à 40h.
La double coalition « Apruebo Dignidad », qui a amenée Boric au pouvoir, constituée de son parti le Frente Amplio, le Parti Communiste ainsi que les écologistes ; mais également la nouvelle, formée avec le centre-gauche, depuis le remaniement lié au rejet de la nouvelle constitution sera un aspect politique important pour le président chilien. Il n’a par ailleurs pas hésité à s’opposer à ses alliés du Parti Communiste sur le terrain diplomatique, "Cela me met en colère lorsque vous êtes de gauche et que vous pouvez condamner les violations des droits de l'homme au Yémen ou au Salvador, mais que vous ne pouvez pas parler du Venezuela ou du Nicaragua", a-t-il déclaré en septembre 2022.
Enfin, un événement important sera commémoré en septembre 2023 : les 50 ans du coup d’Etat militaire ayant amené le général Pinochet au pouvoir. Le gouvernement devra réfléchir mûrement à sa stratégie, afin de ne pas aliéner son électorat ni tendre les relations avec l’opposition.
Du pain sur la planche pour le jeune gouvernement, qui promet encore trois années intéressantes à suivre.
Gaspard Agostini